Il ouvrit les yeux lentement, une étrange sensation de brûlure sur le sommet du crâne. Très vite, le loup se redressa, un peu sonné. Il étudia avec attention les alentours, ne reconnaissant absolument pas les lieux ou il se trouvait. Très vite, le loup sombre remarqua également qu’il ne se rappelait rien, ni même de son prénom. Il eut envie de paniquer, parce qu’il se sentait étrangement perdu, mais il se demanda si cela en valait véritablement la peine. Puis, après mûre réflexion, il jugea que non et décida de rester coucher. Le loup aux yeux ocre entreprit donc dans un premier temps de se lécher les pattes, car il avait l’impression que l’odeur qu’il portait n’était pas la sienne -même s’il devait bien admettre qu’il ne se souvenait pas non plus de sa propre odeur auparavant. Puis, il prit soin d’examiner les alentours. Il était sur une petite bute entourée d’eau. Autour de lui il n’y avait que des plantes et quelques petits reptiles et mammifères. En d’autres termes, il était probablement dans un marécage, a mille lieux d’être un lieu sûr pour faire une sieste. Observant le ciel, il remarqua que la nuit était doucement en train de tomber alors, il décida de se lever pour partir de là au plus tôt.

Lentement le loup se leva donc et commença à avancer. Il avait les pattes tremblantes et peinait à avancer, pourtant, il s’acharna. Bientôt, il parcourait les lieux avec une certaine détermination et, alors que la nuit arrivait peu à peu, il décida de chercher une cachette pour se reposer en attendant que le soleil ne revienne. Malheureusement, dans un tel lieux, tout n’était que danger et sans s’y attendre, quelque chose sous son antérieur gauche céda, le faisant plonger dans le marécage dans un grand fracas. Il pesta contre lui-même et se redressa. Cependant, tant de raffuts avait visiblement attiré une curieuse qui s’avança lentement vers lui. « Montrez-vous. ». Le loup noir ricana un peu contre son gré et fit un pas en avant. « Mais je ne suis pas caché le moins du monde ». Il pouvait sentir l’odeur de l’autre et il eut tôt fait de deviner qu’elle appartenait à une meute.

L'ombre inquiétante ne parvenait pas à être distinguée clairement des alentours. Comme si elle se fondait dans un décor funeste et angoissant. De jour, le marais devait être d’une beauté sans limite. Cette nuit pourtant, il avait enfilé un manteau de terreur et semblait être là le théâtre d’un bien macabre destin. C’était en tout cas l’impression qui était donnée, tant par l’air chargé et lourd en tension que par le regard ocre du loup qui faisait face à la charmante femelle. Le mâle souriait à moitié tant la situation était drôle. L’autre en face de lui semblait à mi-chemin entre la méfiance et l’agacement, comme si sa présence ne l’inquiétait nullement. C’est parce qu’elle ne te connait pas encore. Le loup redressa la tête. Il jurait avoir entendu une voix d’une autre louve lui chuchoter dans les oreilles. Il huma l’air, un peu surprit à l’idée qu’une autre femelle ce soit approchée sans qu’il s’en aperçoive et fut d’autant plus étonné de ne sentir que leurs deux odeurs. Pourtant, il avait bien entendu cette voix, il n’avait pas rêvé. « Soit. Et quel votre nom, M. l'Inconnu ? » Le mâle tiqua légèrement. Il lui aurait bien répondu à cette louve, juste pour s’amuser un peu, mais la vérité était que son esprit était encore un peu troublé et qu’il n’était pas très sûr de sa propre identité. Il se savait être un male -ce qui en soit était déjà une information très importante- et il savait à son odeur un peu sauvage -et aussi assez étrange- qu’il n’était pas de la meute de cette louve. Mais pour le reste, il était bien incapable de répondre. « Pour ma part, mon nom est Raev, enchanté. » Il évita les formalités. Il ne connaissait pas cette louve et n’était pas enchanté de rencontrer qui que ce soit ; il voulait simplement faire ses petites affaires comme bon lui semblait.

« Je ne sais pas. » Il n’avait pas envie de broder et de se lamenter sur son sort, aussi décida-t-il de faire quelques pas sur le côté pour sentir les odeurs qui s’étaient déposées sur les hautes herbes marécageuses. « Ou sommes-nous ici ? » Il l’ignorait bien, mais il n’aimait pas cet endroit. Trop d’eau, trop de grenouilles qui coasses au loin et surtout, vraiment beaucoup trop d’eau. Il continua de sentir la végétation, à la recherche d’indices qui pourraient potentiellement l’aider à comprendre qui il était.

« Ici, ce sont les terres des Swallows ». Le mâle la toisa du regard un instant, sans rien dire, puis sourit narquoisement. Les Swallow hein ? Vu le noms qu’ils se donnaient, ils ne devaient pas être un tout petit groupe mais bel et bien une meute. Intéressant. Il aurait bien eu envie de faire quelques petites remarques désobligeantes et pourquoi pas lui donner un petit coup de croc dans la cuisse, pour voir comment réagirait les autres louveteaux de cette meute, mais c’était à la fois une perte de temps et un mauvais investissement. Ici, il ne connaissait rien, ou tout du moins ne s’en souvenait-il plus, alors il devait être prudent et savoir miser sur le bon cheval. Or, les Swallow n’étaient en rien un bon cheval, mais plutôt une vieille bourrique qui n’était plus bonne à rien. « Si un Sigma ou un Gamma te trouve, ils n’hésiteront pas à te chasser à coups de crocs et de griffes. » Oui, bien sûr. Le loup hocha la tête, pour faire comme s’il comprenait, alors qu’il était évident qu’il ne craignait pas le moins du monde la visite d’autres petits loups. S’ils étaient tous aussi terrifiants que cette femelle, cette meute devait donner ! « Je vais te raccompagner jusqu'à la frontière. »

De nouveau le mâle hocha la tête et fit mine qu’il comprenait parfaitement. Mais il n’en demeurait pas moins sceptique sur la menace que représentait une pareille meute. « Volontiers ». Très peu pour lui pour être honnête. D’un signe de tête, il lui indiqua pourtant qu’il la suivait. Et il allait la suivre, tout naturellement, mais pas sans s’interroger lui-même sur une ou deux choses. « Êtes-vous la seule meute présente sur ces terres ? ». Car même s’il en doutait, la question demeurait pertinente. Il avait besoin de savoir si d’autres loups avaient déjà eu dans l’idée de se réunir en clans. « Et autre question, les loups sans meutes sont-ils libres d’aller sur des terres qui ne sont pas encore revendiquées ? ». Question doublement pertinente pour le coup. Car s’il savait désormais que les terres des Swallow -ou leur marécage tout du moins- était chasse gardée, il voulait s’assurer qu’il pourrait demeurer libre encore un temps.

Raev:

Leçon de Ténèbres: