Tenir parole [Hannibal]

06/10/2018

Cela faisait plusieurs jours que Jadis guettait le retour d'Hannibal. Au début, il était un peu inquiet de son absence. Mais en discutant avec des Iotas, il avait vite appris qu'elle était partie en mission. Comme d'habitude en fait. Parfois, il avait l'impression qu'elle en faisait plus que ses subordonnés. A moins que ce ne soit un désir d'être utile qui guidait ses décisions ? Il l'ignorait. Tout ce qu'il savait, c'était que son cadeau était prêt à être donné. Il avait bien pensé à le lui déposer là où elle dormait. Sauf qu'il ignorait quel était son coin de repos favoris. Ce serait stupide de se le faire voler en le posant au hasard. Alors, chaque matin, il se baladait avec sa paire de bois dans la gueule et faisait le tour de la tanière. A force, il avait fini par récolter un nouveau surnom : Bambi. Cette appellation ne le vexait pas le moins du monde. Il n'avait que faire du regard des autres. Il vivait pour lui et le bien être de la meute. Seuls la parole et le jugement des supérieurs et amis possédaient de la valeur à ses yeux.

Maintenant, il fallait aussi ajouter la voix des Sigmas. En tant que Général, il devait prêter une oreille attentive à leurs plaintes ou demandes. Ce n'était pas facile tous les jours. Au début, il s'était efforcé d'être quelqu'un qu'il n'était pas. Le naturel était vite revenu au galop. Il avait jeté ce masque pour redevenir le Jadis qu'il était avant sa nomination. Après tout, c'était celui-là qui avait été choisi. Celui qui aidait tout le monde et adorait jouer dans les feuilles mortes. Temps pis si sa personnalité ne plaisait pas à tout le monde. Ils devront s'en accommoder.

Une énième fois, le loup au pelage sombre se posta devant le chemin qui menait à la Tanière. Son cadeau posé délicatement à ses pattes. Le vent ébouriffa sa fourrure et chatouilla son museau. Il ne faisait pas beau aujourd'hui. Les nuages grisâtres assombrissaient le ciel. Son amie reviendra-t-elle aujourd'hui ?

03/10/2018

▲▼ Tenir paroleS’il y avait bien une chose qu’Hannibal ne supportait pas dans ce monde, c’était bien l’échec. Pourtant, une fois de plus, elle avait échoué. Elle était partie en mission pendant sept longs jours et sept longues nuits sur les terres des solitaires dans l’espoir d’obtenir quelques informations qui auraient pu être utiles à Seishin. Cependant, elle n’avait rien obtenu et n’avait croisé la route que d’un Eagle avec un peu trop de confiance en lui et d’amour propre. Rien de bien efficace pour permettre à l’alpha régente de briller.

Le pire dans tout cela, c’était bien qu’elle n’avait pas prit de temps pour elle pendant ces sept jours et ces sept nuits. Ella avait très peu bu, pas mangé du tout et n’avait dû dormir en tout et pour tout qu’une dizaine d’heures. Constamment en alerte, elle n’avait pas eu l’occasion de prendre soin de son corps et il se retrouvait désormais malmené. Elle était maigre, si ce n’est très maigre, son poil n’avait absolument plus rien d’élégant et abordait une allure terne et sale. Ses coussinets étaient abimés, rongés par le froid et couverts de petites cloques et d’engelures qui la faisait souffrir à chacun de ses pas. Ses yeux transpiraient d’une fatigue qui ne se voyait en temps ordinaire que chez les plus vieux loups et sa truffe avait fini par gelé, l’empêchant par la même occasion de respirer convenablement. Elle faisait peur à voir, ressemblant davantage à un cadavre ambulant qu’à la magnifique louve qu’elle avait été autrefois.

Hannibal rentrait chez elle, le pas trainant, priant chaque instant pour que le suivant soit le dernier. Même la mort lui aurait semblé plus douce. Elle ne croisa personne lorsqu’elle arriva sur les terres des Raven, comme si le destin était incapable de lui venir en aide. Alors elle marcha jusqu’à la tanière comme un homme de foi expiant ses pêchers. Elle faisait pénitence de crimes qu’elle n’avait jamais commis. Au loin, elle aperçu la silhouette de Jadis et son cœur se serra. Son Jadis était là, loin devant elle et pourtant bien là. Elle eut envie de pleurer, mais aussi de faire demi-tours. Depuis qu’elle s’était souvenue de l’amour qu’elle lui portait, elle ne parvenait plus à vivre convenablement. Parce que lui ignorait tout de leur liaison passée et que dans leur meute, les souvenirs n’avaient pas l’importance qu’ils auraient pu avoir chez les Swallows ou les Eagle par exemple.

Elle n’eut pas la force de rebrousser chemin alors, lentement et tandis que son cœur semblait se déchirer en un nombre incalculable de lambeaux, Hannibal avança vers la tanière et vers le général des Sigma. Lorsqu’elle arriva à sa hauteur elle s’arrêta finalement dans un soupir douloureux. Elle observa un instant les deux bois posés devant ses pattes et sourit faiblement. Il n’avait pas oublié sa drôle de promesse. Mais elle était bien trop fatiguée pour en faire davantage. « Jadis… » C’était plus une supplique qu’autre chose. L’instant d’après, ses pattes ne la soutenant plus, elle se laissa tomber à même le sol en gémissant de douleur. Était-ce la fin ?© 2981 12289 0

06/10/2018

Il attendit longtemps, comme toutes les fois précédentes. Mais apparemment il repartirait encore avec sa copine désillusion. Ce n'était pas grave, il recommencerait demain. Et si elle n'était toujours pas de retour, il irait directement fouiller les terres libres. Bien entendu, il préviendrait Seishin auparavant. Mais pour ne pas risquer la vie de plusieurs membres de sa meute, il irait seul. Il se releva et s'apprêtait à faire demi-tour lorsqu'une silhouette apparut dans son champs de vision. Le cœur battant d'espoir, il plissa les yeux pour tenter de reconnaitre la personne qui approchait. D'aussi loin, il ne vit aucune caractéristique familière. Même l'odeur était inconnue. Mais çà c'était typique des Solitaires et également des Iotas. Difficile de faire la différence. Il fallait attendre pour savoir. En fait, vu l'aspect du loup, il avait plus l'impression qu'il s'agissait d'un mourant venu expier ici. Un cadavre ambulant, au corps décharné et à la démarche peu sûre. Il fallait le chasser, il ne pouvait pas se décomposer sur leurs terres. Il était potentiellement porteur de maladie. C'était justement ce point qui posait souci à Jadis. Comment virer un malade sans se faire contaminer ? Finalement, le plus sage serait d'attendre qu'il expire et ensuite de trainer son corps jusqu'à la frontière. Il attraperait la partie la moins abimée et se rincerait bien la gueule après. Il faudrait limite aller voir leur Eta pour demander un traitement préventif.

Son plan se brisa comme une coquille d’œuf lorsqu'il entra en contact avec le regard de l'étranger. Car ces yeux, il les connaissait parfaitement. Il ne pouvait pas les oublier, c'était ceux de sa plus chère amie. Celle avec laquelle il avait ramassé des feuilles d'arbre mortes, avait intimidé un certain Kainan et, plus récemment avait vécu une aventure périlleuse sur un étang gelé. Hannibal. Non, ce n'était pas possible. La Général prenait particulièrement soin d'elle et elle n'aurait jamais laissé son pelage dans cet état-là ! Mais la Chose ouvrit la bouche et parla. Cette voix aussi lui était familière. Ses derniers doutes s'envolèrent et la réalité le frappa durement. Cette pauvre chose était vraiment Hannibal. Il était tellement choqué qu'il n'eut pas le réflexe de rattraper sa camarade. Ce ne fut qu'en la voyant au sol qu'il put se ressaisir. Elle avait besoin de lui ! Il se colla contre elle pour lui apporter un maximum de chaleur. Si il avait pu s'arracher des morceaux de fourrure pour lui donner plus chaud, il l'aurait fait. Puis, il chercha à entrer en contact visuel avec elle. Il voulait voir la flamme de la vie briller dans ses yeux.

"Je suis là, Hannibal ! Tu n'es plus toute seule ! Tu m'entends ? Je vais t'aider. De quoi as-tu besoin en priorité ? Nourriture ? Eau ? Soin ?"

Son cœur battait à tout rompre, il ne savait pas quoi faire. Son état était tellement effroyable qu'il avait peur de la briser en la trainant dans un lieu plus confortable et sécurisé. Il était prêt à appeler de l'aide. Ou plutôt à hurler. Mais il fallait déjà savoir ce dont elle avait urgemment besoin. Appeler au hasard ne serait qu'une perte de temps. Et la meute entière n'avait pas besoin de voir la chef des Iotas dans cet état-là. Cela ne serait que de l'agitation inutile et de la fatigue supplémentaire pour son amie. Il avait tellement peur de la perdre ou qu'un de ses choix ne la condamne définitivement.

03/10/2018

▲▼ Tenir parole.
Le corps tremblant gisant contre le sol, Hannibal ferma les yeux. Elle était arrivée, c’était fini, maintenant elle pouvait se reposer un peu. Juste un peu, pour ne pas faire honte à la meute ; ensuite elle reprendrait de plus belle, parce qu’elle était générale et qu’elle devait apporter des résultats probants à sa meute. Mais là tout de suite, ce qu’elle souhaitait par-dessus tout, c’était flotter dans les airs pour que son corps tout entier cesse de la faire tant souffrir. Elle senti Jadis venir se coller contre elle et elle gémit de douleur. Rien que la sensation de son corps contre quelque chose d’autre lui devenait plus que déplaisante. Et pourtant de cette proximité avec le loup, elle l’avait longtemps souhaité. « Je suis là, Hannibal ! Tu n'es plus toute seule ! Tu m'entends ? Je vais t'aider. De quoi as-tu besoin en priorité ? Nourriture ? Eau ? Soin ? » Il semblait paniqué, inquiet probablement. Elle se contenta de hocher doucement la tête pour lui faire comprendre qu’elle n’était pas dans un état si grave que ça et que tout allait bien. Parce que c’était le cas, non ?

Hannibal tourna doucement sa tête vers Jadis. Oui, il semblait vraiment inquiet, comme s’il se trouvait à son chevet et qu’elle était sur le point de rejoindre Raja’Ah. Elle sourit faiblement ; il voulait la voir morte ou quoi ? Elle souffla pourtant et ferma de nouveau les yeux. Elle ne comprenait pas qu’il puisse s’inquiéter autant de son état alors qu’elle n’allait pas si mal que ça. « Je veux simplement me reposer un peu. Mais avant ça je dois faire mon rapport à Seishin. » C’était d’ailleurs le moment qu’elle redoutait le plus ; devoir dire à son alpha qu’elle n’avait rien de concret après tant de jours à avoir été absente. Lentement, Hannibal releva sa tête pour regarder les alentours. Heureusement, les abords de la tanière étaient étrangement déserts ce matin ; sinon, la rumeur aurait tôt fait d’éclater sur son manque de sérieux dans son travail d’espionne. Et puis elle n’avait pas envie que les autres la remarque dans cet état. « Ca va aller, ne fait pas cette tête. » Elle lui sourit puis tenta de se lever. Mais rien ne fonctionna comme elle l’aurait souhaité. Alors Hannibal resta couchée, comme si de rien était.
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06/10/2018

Mais voilà qu'il entendit des gémissements sortir de la gueule d'Hannibal. Elle ne supportait pas le contact physique. Il était en train de lui faire mal là ! Elle qui semblait si faible, voilà qu'il lui rajoutait de la douleur supplémentaire. D'un bond, il se releva et cassa la proximité. Temps pis pour l'apport de chaleur. Il était si désolé. Il ne comprit pas ce que signifiait le hochement de tête de la Générale. Elle disait oui à quel proposition ? Que désirait-elle ? Comment l'aider sans la possibilité de la toucher ? Qui appeler en secours ? Il ne voulait que son bonheur, mais il faisait l'inverse actuellement. Il avait la désagréable impression d'être impuissant face à la souffrance de son amie. Quel pitoyable ami, il faisait. Il vit son pauvre sourire, qui lui fit plus de mal qu'autre chose. Il ne méritait pas d'être rassuré et elle ne devait pas gaspiller ses forces pour çà. Les paroles qu'elle prononça ensuite le glacèrent, surtout avec l'abaissement de ses paupières.

"Rouvre les yeux. Je ne te laisserai pas t'endormir. Je ne veux pas que tu plonges dans un sommeil éternel !"

Sa franchise venait de lui faire avouer sa peur du moment. Rien ne pourrait le convaincre qu'elle allait bien. Parce que le corps qu'il avait sous les yeux lui criait le contraire. Être un cadavre ambulant n'était pas un signe de bonne santé. Ses mots de réconfort restaient donc complètement inefficaces sur le guerrier. Ils étaient même dénués de sens.

"Seishin peut attendre. L'urgence du moment c'est toi."

Il observa avec tristesse la louve tenter de se lever. Il fallait se rendre à l'évidence : elle était à bout de force. Mais elle ne paraissait pas s'en rendre compte. A moins que poussée par la fierté, elle essayait de ne pas perdre la face ? Ne pas vouloir exposer ses faiblesses était presque une coutume chez les Raven. Mais il y avait une limite à cela. Et là, elle était largement dépassée. Alors, Jadis prit sa voix la plus douce pour ne pas la brusquer.

"Tu ne vas pas bien Hannibal. Tu as besoin d'aide. Accepte la mienne."

Il avait déjà prouvé qu'il était capable de lui sauver la vie. Il pouvait recommencer autant de fois que cela sera nécessaire. Mais il avait besoin d'un minimum de coopération pour ne pas augmenter les dégâts.

03/10/2018

▲▼ Tenir parole. Elle ferma à nouveau les yeux, épuisée. Toutefois, elle se sentait étrangement rassurée à l’idée d’être au sein de sa meute, et surtout, d’être auprès de Jadis. « Rouvre les yeux. Je ne te laisserai pas t'endormir. Je ne veux pas que tu plonges dans un sommeil éternel ! » Par surprise, la femelle ouvrit de nouveaux les yeux, avec étonnement. Le fait qu’il soit si surprit et apeuré à la fois avait tendance à réveiller son esprit combatif. Parfaitement éveillé bien qu’un peu étourdie par le froid et le manque de nourriture, elle lui sourit pour tenter de le rassurer un peu. « Seishin peut attendre. L'urgence du moment c'est toi. » Cette fois-ci, elle était moins d’accord. A ces yeux, la meute et son bien devaient primer sur l’intérêt et le bien-être d’un seul loup. Elle secoua doucement la tête pour prouver à Jadis qu’elle n’était pas du même avis mais ne prit pas la peine de protester oralement. Ce débat était un tantinet trop poussé pour son état actuel et elle n’avait pas envie de s’y enfermer pour l’instant.

« Tu ne vas pas bien Hannibal. Tu as besoin d'aide. Accepte la mienne. » Elle hocha doucement la tête. Elle n’avait pas envie de protester non plus pour ce sujet. Son regard parcourut faiblement les alentours pour s’assurer que personne n’assistait à cette scène si particulière puis, elle sourit faiblement, encore une fois. « Je veux bien un peu d’aide, oui. » Elle se redressa pour s’asseoir. Puis une fois chose faites, elle déplaça légèrement son corps de sorte à être positionnées dos au vent. Après cela, elle sourit doucement à Jadis ; « J’ai besoin de me reposer un peu, après ça ira déjà beaucoup mieux. » Elle changea d’appui sur ses pattes pour limiter les douleurs liées aux engelures.
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