La louve marchait sans but fixe. Seishin lui avait demandé de lui ramener d’autres informations sur les solitaires qui parcouraient les terres neutres et force était d’admettre qu’elle n’avait rien. Elle devait donc se forcer à parcourir les terres neutres alors même qu’elle n’en avait ni l’envie, ni même l’énergie. Affaiblie, un peu plus maigre que ses autres congénères, elle devait pourtant se dépenser pour satisfaire son alpha. Voici donc trois jours désormais qu’elle parcourait les terres neutres à la recherche de la moindre information qui puisse être probante et surtout, pourquoi pas, d’un petit quelque chose à manger. Car depuis qu’elle avait quitter les terres des Raven, elle n’avait pas pu manger la moindre chose. Parfois elle avait avalé un peu de neige pour s’hydrater et tenter de se remplir le ventre, mais c’était tellement froid qu’elle préférait éviter de trop en consommer, de peur de tomber malade.

Elle marchait d’un pas lent et tranquille lorsque l’odeur des Eagle se présenta à elle. N’étant pas dupe et se sentant suivie, elle laissa faire pendant un instant jusqu’à ce que finalement, un loup gris n’apparaisse sous ses yeux. Elle le laissa approcher, avec méfiance. Hannibal n’avait rien contre les Eagle mais en cette période difficile, elle préférait rester prudente plus que de raison. « Bien le bonjour ma jolie demoiselle, que fait une aussi ravissante louve dans les parages ? » Hannibal aurait pu être flattée si elle ne s’était pas sentie insultée. Elle gronda légèrement. Peu, pour éviter que cela ne paraisse comme une remontrance mais suffisamment pour que l’autre comprenne qu’elle était loin d’accepter. « Bonjour. » Sa voix était neutre et lointaine, comme toujours. Après tout, elle n’était pas gratifiée pour parler avec les autres. « Je travaille. Et vous ? »

Il se permit de s’asseoir à quelques mètres d’Hannibal en affichant un air pacifique. Bien. La femelle se détendit donc quelque peu et décida de l’imiter en s’asseyant à son tour dans la neige. « Je ne cherchais pas à vous offenser, tout comme vous, je suis là pour faire mon devoir. » Hannibal hocha doucement la tête pour toute réponse. Elle n’aimait pas trop qu’on lui fasse du rentre dedans, qu’il puisse s’agir d’un étranger ou d’un membre de la meute. D’autant plus que depuis quelques temps, son esprit la ramenait sans cesse à cette vision qu’elle avait eu de Jadis et elle lorsqu’ils étaient plus jeune. Autant dire qu’en ce moment, c’était tout sauf le moment de la courtiser, ne serait-ce que par pur divertissement. « Ma présence, est-elle de trop, ou puis-je rester un peu ? »

Cette fois-ci la femelle grise secoua doucement la tête. « Je n’ai rien contre la présence d’un congénère. » C’était le maximum qu’elle puisse faire en guise de gentillesse et de politesse. Après tout, elle n’avait jamais été connue pour son grand cœur ou sa douceur ; c’était une louve rustre et peu bavarde qui n’aimait en rien s’encombrer de cette fichue bienséance qui semblait animer les loups sur les terres de Raja’Ah. « Comment se porte votre meute ? » Bienséance ? Mince, voilà qu’elle imitait les autres avec de stupides minauderies. Elle s’agaçait elle-même parfois…

Sereine et calme, la belle louve grise observa pendant un long moment le loup juste en face d’elle. Il était plutôt élégant et c’était tout à fait évident qu’il avait un charisme fou. Cependant, Hannibal était une louve sérieuse et depuis quelques temps, son cœur était perturbé. En outre, son esprit avait eu la délicatesse de lui rappeler qu’elle avait pendant longtemps aimé un loup qu’elle ne connaissait que trop bien ; Jadis. Et depuis qu’elle le savait, l’espionne ne parvenait plus à se focaliser sur autre chose. Elle qui n’était en temps ordinaires pas vraiment bavarde l’était bien moins désormais. Alors ce loup ci aurait beau lui parler avec douceur et bienveillance, elle n’y serait absolument pas sensible. Parce qu’elle n’en avait pas l’envie. « Très bien et la vôtre ? »

Elle sourit faiblement et hocha la tête. Effectivement, l’espionnage allait s’arrêter là. Parce qu’ils savaient tous les deux qu’ils n’en diraient pas davantage sur leurs meutes. Cependant, comme Hannibal n’avait en soit rien à cacher, elle se décida à répondre de façon un peu plus détaillée ; « Très bien. Nous maîtrisons les solitaires et la punition est toujours assez expéditive. Autrement dit, nous sommes satisfaits. » Mais elle n’en parla pas davantage. Il n’avait pas a un savoir plus, en même temps.

Assise, scrutant les alentours avec une attention tout à fait particulière. Constamment sur ses gardes, elle se devait de toujours agir comme si elle était prise dans un filet. Toujours réfléchir à la suite avant même que cela ne ce soit produit. « Je suis heureux pour vous dans ce cas, c’est une bonne chose en effet, surtout avec ce temps, il ne faut rien laisser de côtés. » Elle hocha silencieusement la tête. Qu’y avait-il à ajouter à tout cela ? Elle prit toutefois le temps de regarder d’un peu plus près le Eagle, le jaugeant l’espace d’un instant. Il était fort et bien bâti, maigre à cause du froid certes, mais assez en forme pour donner l’impression que les Eagles n’étaient pas tant impactés par le froid que cela.

Elle sourit faiblement, puis tourna à nouveau son regard vers l’horizon. Elle se sentait d’humeur moqueuse, comme elle pouvait parfois l’être avec certains des siens. « Et donc… Tous les Eagle sont-ils des dragueurs tels que vous ? » Voilà qui était fait.